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RHAYNE VERMETTE

DOMUS

2017 | 16mm to digital | 15 mins 23 secs
Avec un texte de | With a text by : Mathieu Li-Goyette

En ligne du 22 septembre au 22 octobre 2022

Mathieu Li-Goyette
Espaces Romains

Le domaine n’est pas qu’une maison même s’il la contient ; le domaine n’est pas non plus qu’un territoire peuplé où la technique exercerait son droit sur la matière ; encore moins une île domiciliaire d’où regarder les autres insulaires. Après trois années romuléennes le principe de la maison s’est évanoui dans celui du domaine : l’espace habité qui porte sur ses murs la vie rêvée — le statut social comme des degrés d’isolation et de fermetures face au monde.

Chez les Romaines et les Romains le domaine était aisé, un univers clos sur lui-même, permettant à la maisonnée d’exister tout juste en dehors du socius qui coulait autour. Un espace de liberté caché dans un espace carcéral, une fondation pour réinventer à partir d’un petit bout de courtepointe tiré de sous la tablée ordinaire ; magie et service : tout le monde repose sur une nappe qu’on retire sans faire de bruit, avec des premières images de pièces détachées en pièces détachées. Rhayne Vermette montre sa tablette et son burin, son Etch A Sketch et ses percepts. Des lignes qui raniment le McLaren épuré chez le Brakhage conjugal, du ludique trempé au familier avec ce que ça implique de tragique épuisé.

La main de l’artiste se referme sur une feuille qui se froisse et renaît parce que le réel du dessous est capricieux, que la cinéaste aime faire voir comment le monde lui résiste, comment la matière est fière de catastropher l’intention. Les traits subsistent, le triangle gigote en trapèze et on réalise que le domaine, avant d’être un lieu centripète, est un espace centrifuge qui éloigne mais qui le fait au moins autour d’une orbite précise qui jamais ne perd son centre, que sa ligne qui divise intérieur et extérieur n’est pas sans sens de l’endroit comme de l’envers.

Vient l’idée du « domaine comme figure », le domaine comme plan, grande volonté de structuration d’un espace que la peg bar ne parvient pas tout à fait à contenir. C’est que l’espace appelle toujours à la découverte, au plus loin encore, au pas encore là-bas — il faudrait interpeller les premiers colons, à savoir s’ils pouvaient, s’ils voulaient faire la part des choses entre le plaisir de la découverte et celui du recouvrement.

Quoi de plus juste pour une cinéaste métisse issue des terres du Traité no 1 que de s’interroger sur la légitimité des centres ? Tourner autour de la colonne du domaine comme tourner autour de la notion d’éloignement jusqu’à la dévisser de tout centre possible ; le français de Saint-Boniface aussi central que celui de Paris, le domaine de l’artiste en présence dans l’habité aussi central que celui de l’artiste évaporé dans la structure, en l’occurrence Carlo Mollino, le grand architecte italien ou post-romain autour duquel Domus fait son domaine.

Le « domaine comme cristal », dit Vermette en compactant la matière en diamant. Du domaine comme celui des « images virtuelles qui n’ont pas cessé de se conserver le long du temps », disait Deleuze le minéralogiste, le cristal comme fonction de « l’actuel présent dont elle [l’image, son domaine] est le passé, absolument et simultanément », sans besoin d’actualisation ou d’être rapporté au présent pour comprendre que le domaine est passé de la même manière que son image l’est aussi ; une image-architecture que l’architecte-cinéaste canalise par la volonté de briser sa relation à l’actuel, d’aller dans l’ancienne Rome comme dans le futur arqué de Mollino où tout se permet au nom de l’idée fantasque, des supports, des poutrelles, des fondations qui courbent l’utilitaire jusqu’à obtenir l’élégance comme on tire une image de son présent actuel.

Domus est une maison de cinéma qui porte sur les maisons que le cinéma peut se faire, sur la table, dans l’air, entre les murs, prouvant déjà avant Ste. Anne à quel point Vermette connaît l’amovibilité des espaces qui se superposent pour faire le domaine, avec son périmètre amoureux, familial, territorial, fantomatique, culturel, ancestral, différents pourtours qui font le domaine en excédant la maison. Ainsi les espaces toupillent les uns sur les autres, l’animation sur la photographie, le grattage sur la modélisation, tournoyant dans leurs strates sans qu’il n’y ait d’immanence pieuse sinon celle du chat qui rôde, qui persiste à ouvrir, à transformer les filaments de cristal-chrysalide débobinés d’un cinéma spectaculairement intime et qui se condense dans la métamorphose — « le domaine comme papillon », finit-elle par écrire à l’écran.

Autour de la perforation-colonne tourne l’image pelliculaire de son domaine, celui des possibles ramenés à une figuration-explosion — image-cristal se dérobant dans son rapport inactuel aux choses —, détonation d’une nécessité de trouver dans les images habituelles le point pivot d’une transformation des épaisseurs et avec elle des espaces pour, enfin, dessiner la maison nouvelle.

A domain is not a house, even if it contains one, nor is a domain an inhabited territory where one exercises power over the material, and less still is it an isolated estate from whence to observe others in their isolation. After three Romulean years, the notion of home has morphed into one of the domain: an inhabited space whose walls reflect our dream life — social status as various levels of insulation and enclosure.

For the Romans, the domain was a well-appointed world unto itself, allowing the country mansion at its centre to exist just outside the socius that flowed around it. It was an area freedom hidden within a carceral space, a foundation upon which to reimagine one’s little quilt square of land as a place more special than other place-settings at the table. Everyone within it has a place at a tablecloth that is removed silently, as if by magician servants, as we’re shown a series of detached rooms. Rhayne Vermette displays her apron and chisel, her Etch-A-Sketch and devices. Lines and outlines wink at McLaren’s simplicity with Brakhage’s sentiment, whimsy infused with the familiar, and everything that such tattered tragedy entails.

The artist’s hand crumples a leaf which unfolds again, easily reborn because here, apparent reality is capricious; the filmmaker likes to show how the world resists her, how matter is all too happy to stymie the will of the mind. Traces remain, the triangle wiggles into a rhombus and we notice that before a domain becomes a centripetal locus, it is a centrifugal one that spins outward, while maintaining its orbital centre; the line separating inside and outside also distinguishes what is in place from that which is out of place.

Then we have the notion of domain as outline, the domain as blueprint, with its inherent desire for orderliness expressed by the peg bar that struggles to contain the space. However it is outlined, a space will always evoke what is beyond it, or point to what is not yet beyond: we wonder whether early colonists ever weighed in the balance the pleasure of discovery with that of concealment.

What is more appropriate for a Métis filmmaker from Treaty 1 Territory than to question the legitimacy of what a centre is? The subject winds around the pillar of the domus as if to unwind the notion of what is considered “away” anyway — until the very idea of a centre becomes untenable: the French spoken in St. Boniface is just as central as Parisian French, and the domain the artist inhabits physically is a centre as much as any structure that contains his or her essence, as is the case for the great Italian architect of the post-Roman, Carlo Mollino, whose world is the place Domus itself inhabits.
“The domain as crystal,” Vermette tells us, crystalizing the subject. The domain in terms of “virtual images which have constantly been preserved through time,” Deleuze the mineralogist says, and the crystal as a function of “the actual present of which it is the past, absolutely and simultaneously,” never needs to be updated or “present-ed” for us to understand that the domain is past, as is its own image; it is an architecture/image that the architect/filmmaker transposes in order to sever her connection to the now. Vermette goes to ancient Rome just as she would to a future designed by Mollino where a whimsical world of buttresses and beams, foundations that warp our sense of the utilitarian, strives for elegance just as we draw an image out of the actual present.

Domus is a house of cinema which is about the many homes that cinema can make for itself — on a table, in the air, on walls — proving well before her feature-length Ste. Anne how well Vermette knows the moveability of spaces that overlap to form a domain: its perimeter is affective, familial, territorial, nebulous, cultural, ancestral (the many ways that a domain’s outlines stretch beyond the home). As such, spaces slide over one another, animation on top of photography, scoring on top of figure modelling, spinning around in layers without any holy hierarchy, like the cat that appears randomly; the anarchical movement unties threads, unspooling the crystal-chrysalis of a spectacularly intimate cinema that reifies in metamorphosis: the domus as butterfly, as she concludes in text on screen.

The perforated film-filament of the image-domain spins around the sprocket-column — the image-crystal unfurls in its non-actual relationship to objects; the potential of a figurative explosion is set off by the need to find a pivotal transformation amid the layers, both visual and spatial, that define what home is.

Translation from original French by Jordan Arsenault.
Edited by Benjamin R. Taylor.

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